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mardi, octobre 21, 2025

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À l’ombre éclatante de l’Intelligence artificielle

Je viens d’achever une session de cours consacrée à l’Intelligence Artificielle (IA). C’est, à n’en point douter, la science du moment, le sujet incandescent qui embrase les conversations, les plateaux télévisés, les amphithéâtres et les cafés du monde. Tout le monde en parle, tout semble désormais tourner autour d’elle.


L’IA s’infiltre dans nos vies avec la discrétion d’une brise et la puissance d’une tempête. Elle se glisse dans nos téléphones, nos voitures, nos maisons, jusque dans nos rêves. On la consulte pour écrire un poème, composer une chanson, diagnostiquer une maladie ou même choisir la robe du lendemain. Personne n’y échappe. Pas même moi.


Alors, ne voulant pas demeurer spectateur sur le quai d’une gare déjà lointaine, j’ai pris la décision de monter dans le train en marche. Il sifflait depuis longtemps, ce train-là. Il avait quitté la gare dans certaines régions du globe, emportant à son bord ingénieurs, chercheurs, rêveurs et curieux. Je me suis dit qu’il n’était jamais trop tard pour embarquer, même en dernière classe, pourvu que le voyage mène quelque part. Quinze jours d’intense initiation ont suffi pour me conduire à destination. Et quelle destination !


J’ai eu la sensation de pénétrer dans une tour noire dont jaillissait une clarté fascinante, un de ces paradoxes qui bouleversent la pensée : à la fois vertige et révélation. Tout semblait neuf, presque magique. Chaque ligne de code m’apparaissait comme une incantation. Chaque réponse de la machine ouvrait une porte que je n’avais jamais soupçonnée. Et tout cela, je le dois à la bienveillance d’un certain Alain, jeune formateur pétri de pédagogie, qui sait faire jaillir la lumière du savoir avec une patience d’orfèvre.


Mais à mesure que s’accumulaient les émerveillements, des questions se levaient, obstinées, comme des ombres au pied de la lampe. Car l’IA, telle que je la découvre, me semble parfois se poser en rivale de l’IH : l’Intelligence humaine. On ne me l’a pas enseigné ainsi, mais c’est la déduction à laquelle je parviens.


Voici qu’un nouvel acteur, invisible et docile, se propose d’écrire, de raisonner, de créer à notre place. L’étudiant s’y réfère pour ses travaux, le journaliste y puise ses titres et ses synthèses, l’artiste lui confie ses esquisses, le médecin ses doutes diagnostiques. Le banquier l’interroge avant d’investir, le juge l’invite à résumer les dossiers les plus complexes. La machine devient l’assistante universelle, la confidente numérique de notre époque.


Et pourtant, une inquiétude sourde m’envahit.
L’IA ne risque-t-elle pas d’endormir, voire d’atrophier l’effort intellectuel ? N’affaiblira-t-elle pas le goût de la recherche, la rigueur de la pensée, le courage de l’analyse, cette noblesse fragile qui fonde les métiers de l’esprit ?


Je repense alors à mon instituteur de sixième primaire, Étienne KAYANZA, dans ma Ruashi natale, à Lubumbashi. C’est lui qui, armé de sa craie blanche et de sa patience d’artisan, m’apprit les subtilités de la grammaire française. Sous sa férule bienveillante, la concordance des temps devint pour moi une musique familière : l’accord du verbe avec la pensée, du passé avec l’avenir. Ses leçons, souvent rythmées par des exemples tirés de la vie — « Si j’avais su, j’aurais appris plus tôt ! » — résonnent encore dans ma mémoire comme un refrain d’enfance.
Ces heures de sueur, de répétition et de rigueur ont forgé en moi l’amour des mots et la discipline de l’esprit. Aujourd’hui, face à une IA qui propose d’effacer cet effort, je frémis. Car ce qui se perd, au-delà de la peine du travail, c’est la saveur du mérite, la joie du chemin parcouru, la lente conquête du savoir.


Faut-il dès lors saluer une révolution libératrice ou s’alarmer d’une dérive qui dévalorise l’intelligence humaine ? Faut-il applaudir la machine qui corrige nos fautes et rédige nos discours, ou pleurer l’élève qui n’éprouvera plus la joie d’avoir trouvé par lui-même la bonne phrase, le bon mot ?


La réponse, peut-être, ne viendra pas des machines, mais de l’usage que nous, humains, choisirons d’en faire. Car l’IA n’est qu’un miroir : elle réfléchit ce que nous lui offrons. Si nous lui donnons notre paresse, elle nous la renverra multipliée ; mais si nous y déposons notre curiosité, notre sens éthique et notre créativité, elle deviendra l’alliée la plus fidèle du progrès humain.


Alors, à l’ombre éclatante de cette Intelligence artificielle, il nous appartient de veiller à ce que l’intelligence humaine demeure le soleil.


ZADAIN KASONGO T.

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